L’activisme des groupes armés et la répétition des conflits fonciers impactent négativement les activités agro-pastorales des entrepreneurs du territoire de Lubero, au Nord-Kivu. En conséquence, certains exploitants et fermiers sont contraints d’abandonner leurs terres en raison des menaces armées et des expulsions criminelles.
Le cas le plus illustratif est celui de l’entreprise TSUTSANGA FARM, installée au village Ngevo, qui a suspendu ses activités depuis août 2023 en raison de la présence de groupes armés. Lors d’incursions répétées dans ses installations agro-pastorales, l’entreprise a enregistré des pertes significatives en matériel, semences et animaux.
« Le 27 août 2023, notre concession a été visitée par des individus non identifiés, armés de machettes ; ils ont détruit et emporté notre matériel. Deux mois plus tard, une foule de 20 personnes, dont des femmes, a investi notre ferme, menaçant nos ouvriers avec des machettes et les rouant de coups de fouet », témoigne Monsieur Ndungo Bosco Manzekele, promoteur de l’entreprise, dans une interview accordée à la presse.
Créée au début des années 2000, TSUTSANGA FARM visait à lutter contre l’insécurité alimentaire et la vie chère. L’entreprise déplore l’importation de bétail et de produits agricoles dans une région autrefois réputée pour son élevage et son agriculture, conséquence directe de l’invasion par les groupes armés.
« Les fermes sont envahies, les animaux sont consommés par ces hors-la-loi, et les exploitants ne peuvent même pas accéder à leurs champs. Toutes les fermes sont en faillite. À présent, la majorité des bêtes vendues sur les marchés de Lubero et Beni sont importées, alors que l’élevage et l’agriculture étaient florissants », regrette-t-il.
Malgré de multiples démarches et appels à l’aide auprès des autorités compétentes, TSUTSANGA FARM déplore la lenteur des services spécialisés et certaines autorités. Selon son promoteur, ces malfrats profitent de l’absence d’autorité de l’État pour instaurer la terreur et compromettre un projet d’intérêt communautaire. Dans une correspondance adressée au gouverneur de la province en février dernier, il a souligné que ces malfrats se sont installés en maîtres, malgré la présence des autorités et des services de sécurité.
« Plusieurs procédures ont été ouvertes auprès des instances compétentes, mais elles restent sans suite, aggravant la situation sur le terrain et renforçant la méchanceté de ces hors-la-loi qui profitent impunément de l’inaction des services concernés. Pire encore, ces derniers ont installé des baraza dans notre concession, empêchant quiconque d’y entrer sans leur autorisation », déplore Monsieur Manzekele.
L’envahissement de la concession de TSUTSANGA FARM soulève des questions foncières, en raison des revendications des hors-la-loi. Selon diverses correspondances adressées aux autorités provinciales, la famille Kavahimba, qui se proclame ayant droit, serait à l’origine de ces actes. L’entreprise exhorte les autorités à saisir les juridictions compétentes au lieu de céder à la criminalité qui menace le développement de Lubero. Confiant dans ses droits, Monsieur Manzekele recommande aux autorités de s’impliquer de manière urgente pour mettre un terme à cette barbarie qui ternit l’image du Nord-Kivu.
« Nous déplorons l’occupation de notre concession par des personnes mal intentionnées. Ceux qui se livrent à ces actes doivent être arrêtés et traduits en justice. S’ils prétendent avoir des droits, qu’ils aillent devant la justice plutôt que de saccager nos efforts. Leur comportement montre clairement qu’ils agissent comme une milice, une rébellion. Seule l’autorité de l’État pourra les ramener à la raison », exhorte-t-il.
Depuis août 2023, TSUTSANGA FARM a enregistré plusieurs pertes à cause de ces actes criminels. Son promoteur évoque la disparition de 20 chèvres gestantes de la race BOER, de 2 vaches Holstein, des installations incendiées, ainsi que des équipements agricoles endommagés et des dépôts de produits vandalisés.
Néhémie Mbusa